Ce vieux crabe d’Olve Eikemo, plus connu sous le sobriquet « Abbath », a l’habitude de faire le singe sur scène. Date après date, en solo ou avec Immortal première époque, il se peinturlure le visage de noir et blanc pour invoquer Satan sur fond de cris de gargouille. Et quand Abbath en a assez, il part en récréation : après un démaquillage à l’Eau précieuse et un subtil rasage de moustache, Abbath devient Lemmy, le temps d’un concert avec Bömbers. Oui, feu Lemmy Kilmister, le lider maximo polytoxicomane de Motörhead. Et le pire, c’est que c’est bien.
Il existe probablement une tripotée de tribute bands de Motörhead sur la planète Terre ; peut-être pas autant que des groupes de reprise des Beatles, mais surement plus que ceux de Téléphone. La plupart sont insignifiants ou affublés de noms ridicules (« Motörheadache », sérieusement ?), voire les deux, mais Bömbers, depuis sa fondation en 1996, échappe à la règle.
150 CONCERTS DEPUIS 1996
Basé dans la ville pluvieuse de Bergen en Norvège, ce groupe est mené par la superstar black metal Abbath (ex-Immortal, l’un des fleurons du genre depuis 1991), qui a toujours clamé son amour inconditionnel pour Motörhead. Un bon début pour crédibiliser un projet fondé sur des reprises.
Habitué à jouer vite sur le manche, l’inénarrable Norvégien gère ici, ô surprise, le chant et la basse. Deux amis d’enfance, Pez (Punishment Park/Jef) et Tore (Old Funeral/The Batallion), qui partagent la même dévotion pour les heavy métalleux londoniens, complètent le trio.
Abbath, qui n’est plus à un dédoublement d’identité près, se fait appeler « Killminister » au sein de Bömbers : un jeu de mots astucieux et rigolard, vous l’aurez noté, avec le nom du fondateur de Motörhead. Ce qui prête moins à rire, c’est qu’ils ont joué plus de 150 shows depuis leurs débuts, et pas qu’à la MJC d’Oullins.
LEMMY, POURTANT PAS LE GENRE À SE LAISSER ABBATH
On hume à plein nez une passion de groupies dans les riffs et le chant (quoi de plus normal quand on parle d’un groupe de reprises), mais quand les trois Bömbers enchaînent les tubes drogués à coeur ouvert, cela ne tient pas de l’hommage gênant ou blasphématoire.
Evidemment, ce pitre d’Abbath en fait des grosses caisses, comme à chacune de ses prestations en public. Mais avec Bömbers, on s’inscrit quoiqu’il en soit dans le plaisir coupable et la profanation de sépulture, alors autant s’y vautrer franco. C’est gras du bide, presque putassier, mais en live le groupe déroule les tracks tout en maîtrise, et putain que c’est bon – dans le genre heavy metal à poils dans le dos.
Le grand Lemmy a vidé sa dernière bouteille en 2015, mais Abbath, en cracheur de feu aguerri, porte toujours haut le flambeau de Motörhead. Sortez les clopes sans filtre, enfilez-vous un whisky de chez Lidl et fermez les yeux : on se croirait presque dans No Sleep ’til Hammersmith.