A Perfect Circle ou la distortion inexplicable entre musique cérébrale et pochettes immondes

La construction des pyramides égyptiennes en 2 500 avant J.-C., l’intérêt du théorème de Pythagore dans le quotidien des Français, le visage de Demi Moore en 2023 : l’histoire regorge de mystères restant à ce jour encore inexpliqués, même par les plus grands esprits peuplant notre vaste monde. L’industrie musicale comprend aussi son lot d’énigmes non élucidées. L’une d’entre elles se montre particulièrement édifiante : les pochettes de disques dégueulasses du formidable groupe de metal alternatif A Perfect Circle.

Dans le tas unanime d’immondices de la discographie d’A Perfect Circle, le supergroupe de Maynard James Keenan et Billy Howerdel, un visuel de pochette de disque surpasse tous les autres : celui de l’album Thirteenth Step, sorti en 2003. Au menu, un gros plan sur une jeune femme blonde – est-ce l’actrice canadienne Elisha Cuthbert ou la chanteuse d’Evanescence Amy Lee, le débat reste entier sur Reddit -, aux yeux ophiques perdus dans le vague et au visage parcouru par un gastéropode jaunâtre disproportionné. Fruit du « travail » de MJK, le visuel s’avère en tous points improbable, c’est le moins qu’on puisse dire, alors qu’il fut pourtant validé par le groupe au complet et par le service marketing de la maison de disques d’APC – Virgin et son équipe d’aveugles en l’occurrence.

Mais bordel, pourquoi une telle débauche de mauvais goût ? C’est proprement inexplicable quand on écoute la finesse de composition d’A Perfect Circle. L’ingénieur du son et multi-instrumentiste Howerdel élabore une musique complexe, d’une grande grâce mélodique, qui se trouve magnifiée par les lignes de chant cascadeuses de Maynard James Keenan. L’ensemble touche souvent au fantastique, et parfois au sublime, comme sur « The Package » ou « The Noose ». Comme quoi, on peut avoir de l’oreille et se mettre le doigt dans l’oeil.

Thirteenth Step, conceptualisé autour de l’idée de l’addiction, semble avoir contribué au combat de nombreuses personnes, si l’on se fie aux commentaires calés sous chaque vidéo sur YouTube. Je ne remets pas en cause les formidables vertus curatives supposées de cet album – la musique m’a sauvé d’une tripotée de journées mal embarquées -, mais gageons qu’il ne le doit qu’aux compositions écoutées à fond au casque, les yeux fermés.

Si les groupes de MJK, qu’il s’agisse de Tool, APC ou Puscifer, sonnent tous trois impeccablement bien, l’univers visuel est, au global, pour le moins douteux. On pense en particulier aux costumes de scène de Keenan, qui s’étendent de l’étrange au grotesque. Jamais avare d’une perruque improbable, d’un maquillage outrancier ou de vêtements dignes du carnaval de Dunkerque, le chanteur, par ailleurs comédien amateur à ses heures perdues, prend plaisir à jouer les transformistes. Et le mauvais goût n’est jamais loin, encore une fois.

Alors quoi ? Le visuel de Thirteenth Step est censé représenter une femme en lutte contre son addiction ? On y voit une limace pour illustrer le long chemin vers le salut et la sobriété ? C’est pas un peu premier degré ? N’y avait-il pas matière à mieux faire ? Si, sans aucun doute… Cerise sur le gâteau, pour nous régaler encore un peu plus, une fan hardcore d’APC a poussé le vice jusqu’à reproduire le visuel de la pochette avec du maquillage. Avec talent certes, mais cela reste pénible pour tout être humain doué de plus de 5 sur 10 à chaque oeil.