Tombouctou : « Les idées de guitares sont débattues à coup de gesticulations pour monsieur le batteur et de cris stridents pour madame la chanteuse »

Tombouctou ou un trio noisy, épileptique et intello composé de deux ex-étudiants des Beaux-Arts et d’un guitar hero hyperactif. Rencontre.

Vous faites une musique « physique », du noise rock assez frontal, avec des structures complexes, beaucoup de changement de rythme, mais aussi avec des plans mélodiques…
Alex (guitare) : Je crois que t’as tout dit. On a pris l’habitude de composer comme ça. C’est la signature du groupe.

C’est plus quelque chose d’instinctif ou de réfléchi ?
Alex : Ce n’est pas rationnel du tout. C’est ce qui nous parle. On improvise beaucoup. Il y a des idées de guitares qui sont débattues, à coup de grandes gesticulations pour monsieur le batteur et de cris stridents pour mademoiselle.
Johanny (batterie) : Quand on s’est retrouvé à faire de la musique avec Alex, on avait envie d’exploiter quelque chose de plus mélodique et d’écrit. On s’était dit qu’on pourrait assumer un côté chanson, un peu plus émo, à la Blonde Redhead.
Alex : On s’est détachés du crew dans lequel on était. Des trucs vraiment noise, plus rugueux. On s’est dit qu’on allait faire des morceaux où on peut mettre de la voix. Oublier un peu la dissonance, pour une écriture un peu plus souple, plus pop. Il y avait de la place pour une voix et Lisa l’a prise et bien prise !

Comment abordes-tu les textes Lisa ? Tu es plutôt en recherche de rythme ? De sonorité ? De sens ?
Lisa (chant) : C’est un peu un mélange de tout ça. Il y a des textes qui sont inspirés de conversations de films. Il y en a d’autres que j’ai complètement écrits et qui racontent des histoires à la Christophe Hondelatte… Je ne travaille pas tellement les sonorités. C’est plutôt de la poésie ou des choses un peu absurdes. Ce sont des paroles, mais pas vraiment. C’est un bon brouhaha de mots. A : Je pense que tu minimises. C’est très narratif, il y a des histoires qui se racontent. Et ça t’échappes peut-être un peu.
Johanny : On s’est fait chier à imprimer tous les textes pour le disque ! Du coup ils peuvent aussi être lus.
Lisa : Le disque, ça m’a obligé à écrire vraiment, à finir d’écrire et figer les choses. Avant l’enregistrement, il y avait des mots qui revenaient dans les concerts, mais c’était beaucoup d’impro.
Alex : Sachant que Lisa travaille avec les contraintes de l’écriture, les métriques un peu asymétriques. C’est autant de contraintes qui s’exercent contre le débit naturel des paroles.
Johanny : On est infoutus de faire des chansons, d’écrire un refrain ou un couplet, et de le répéter.
Alex : On a vraiment une écriture horizontale dans les morceaux. Il y a parfois des répétitions, mais c’est rare. C’est très souvent progressif, enfin pas dans le sens péjoratif du terme.

On n’est pas chez King Crimson non plus.
Johanny : Ah mais moi, ça me parle. Je n’ai plus honte de le dire !

On va parler artwork. On sent que c’est important pour vous le visuel.
Alex : On est des esthètes. C’est toute l’histoire de l’art qui incube dans cette pochette.

© Gaëlle Loth

Une pochette réalisée par Gaëlle Loth. L’artwork est très cohérent avec le son. Elle réalise des aquarelles très douces dans le trait, mais quand tu regardes ce qui se passe, c’est hardcore.
Lisa : C’est exactement ça… Gaëlle c’est ma meilleure copine. On s’est rencontrés aux Beaux-Arts. Elle fait ces dessins incroyables !
Alex : Il y a une correspondance avec la musique, sur la rupture justement, qui est parfaite. On lui a donné quelques indices pour qu’elle puisse travailler. Et assez rapidement a émergé quelque chose qui fonctionnait.

© Gaëlle Loth

En revanche, vous ne faites pas de vidéo.
Lisa : Malheureusement non. Il y en un clip en cours avec les dessins de Gaëlle, que je vais animer. C’est pour « Headed body ».
Alex : Bizarrement on a un peu négligé l’aspect vidéo.

Lisa : On a la vidéo d’un live à Mulhouse, c’est tout.
Johanny : J’ai passé 13 ans là bas, c’est pour ça… J’y ai fait les Beaux-Arts et j’y ai monté un collectif qui s’appelle Ödl. On organisait des concerts, des expos. J’ai fait une affiche pour eux récemment, du dessin, des trucs un peu grotesques.

Votre album est sorti sur Carogna Records.
Johanny : Ce sont des potes qui ont monté un label. Elles ne sortent pas des masses de trucs, mais on n’a pas été obligés de faire une coprod monstrueuse avec un milliard de labels. Elles ont quasiment tout pris en charge.
Alex : On peut signaler au passage qu’elles ont beaucoup de chance de nous avoir dans leur écurie… J’en profite aussi pour glisser une invitation pour notre prochain concert le 23 mars au Trokson avec Mia Vita Violenta !

Justement, le live. Tous ceux qui vous ont vus sont dithyrambiques.
Alex : Je pense qu’ils ont raison parce qu’en général, surtout ces derniers temps, on fait des bons concerts. Nous ce qu’on aime, c’est la scène. Ça se règle souvent là. On ne triche pas. Ce que tu entends sur le disque, tu l’entends en concert. L’enregistrement, c’était live, brut.
Lisa : C’est vrai que c’était du one shot.
Alex : On a fait ça rapidement, en une journée.

L’underground lyonnais, vous en pensez quoi ?
Alex : On a des accointances avec des groupes. Ce n’est pas qu’esthétique, c’est humain. Il y a plein de super groupes à Lyon, dans des styles très différents. Il n’y a jamais eu autant de propositions de qualité que ces cinq dernières années… Les Tisiphone par exemple, ils sont très bien, dans une veine plutôt dark, cold. C’est une formation un peu atypique comme nous. Ils ont une démarche, une scénographie.

Quel est le programme pour Tombouctou en 2018 ?
Alex : Un deuxième disque c’est quasiment sûr.

Vous avez commencé à écrire ?
Alex : On a déjà presque 30 minutes.
Johanny : Les trois quarts quoi.
Lisa : Nan, c’est vrai ?
Alex : Je te présente la dernière roue du carrosse !
Lisa : Il va falloir que j’écrive !
Alex : On commence à jouer deux nouveaux morceaux en concert, qui seront sur le prochain disque. L’album fera une quarantaine de minutes. Le terme reste à fixer. Il faut qu’on mette un coup de collier là.
Lisa : Sinon on aimerait bien faire une tournée au Canada avec Big Brave.

Ah ouais, carrément !
Alex : En fait on a été hameçonnés par un DJ qui bosse sur une radio à Montréal et qui nous comparait à ce groupe. Moi je ne connaissais pas du tout.

Je ne vois pas trop la filiation, mais bon…
Lisa : Je suis d’accord avec toi. Je ne vois pas trop non plus.
Alex : Non, mais c’est chouette quand même. L’idée de sortir du continent en tout cas, ça nous botte. On a joué un peu en Belgique, en Suisse. Il y a d’autres territoires à annexer avant ça. On est un jeune groupe, on a deux ans d’existence. Et on n’est pas des surexcités de la tournée non plus.

Au-delà de Tombouctou, vous avez aussi d’autres projets : Alex, tu joues dans Torticoli, Saddam Webcam…
Alex : Johanny a rejoint un groupe aussi…
Johanny : … qui s’appelle T-Shirt. C’est de l’indie rock à la Breeders. J’ai aussi un autre truc, qui est plus une performance, où je fais du dessin. Dessin et noise. Ça s’appelle Cartographie des lieux visités en rêve. J’improvise avec un feutre, avec un micro contact fiché dessus. Et tous les signaux sont récupérés par un zicos, en l’occurence Sébastien Borgo, qui fait mumuse avec. C’est plutôt art brut.

Et toi Lisa ?
Lisa : Je n’ai pas d’autre groupe. Mais j’aimerais bien faire quelque chose de complètement différent. De l’électro, avec de la voix, une vraie batterie…
Johanny : Comment ça une vraie batterie ?
Lisa : Non ce n’était pas par rapport à toi ! Enfin il faut que je cherche. La musique, j’ai vraiment découvert avec Tombouctou. Et j’adore !

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